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22/12/2015

Vers un "état d'urgence à volonté" +  un "grand parti central à vocation majoritaire permanente" ?

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L'algorithme de la postdémocratie est en marche :  


 

 

Institutionnaliser l'état d'urgence est la nouvelle « feuille de route » : il s'agit d'utiliser la peur du terrorisme pour donner à l'exécutif des pouvoirs exorbitants qu'il utilisera dans tous les domaines. La lutte contre « Daech » devient un prétexte pour autre chose.

Contre les écologistes et les alternatifs (par exemple), on a vu des débordements à la veille de la COP 21. De nouvelles affaires-de-Tarnac vont se multiplier sous les yeux des populations, inquiètes, par ailleurs, de l'absence de résultats dans la lutte anti-jihadistes : 2898 perquisitions administratives hors de tout cadre judiciaire, 384 assignations à résidence (dont peu concernaient le jihad) avec méprises souvent ubuesques, comme l'interpellation pour « salafisme terroriste » d'un Toulousain catholique qui revenait de Lourdes avec ses enfants *... Cette déferlante attrape-tout n'a fourni au parquet anti-terroriste que la matière de trois enquêtes seulement, et d'une seule mise en examen « en relation (mais vague) avec le terrorisme » – puisque le terrorisme n'était pas la cible unique... ni peut-être la cible principale.

« De toute façon on fait ce qu'on veut, on est en état d'urgence », explique un policier à une femme dont on vient d'enfoncer la porte sans raison valable (Le Monde 22/12). Ce que confirme un policier du renseignement territorial : « On profite de l'état d'urgence pour faire du boulot de police basique. Pour se couvrir, on dit qu'il y a un lien entre terrorisme jihadiste et banditisme »**. Le « banditisme » a le dos large, quand on perquisitionne chez des maraîchers bio de Dordogne parce qu'ils ont défilé pour Notre-Dame-des-Landes en 2012 !

Ce qui ressort de tout ce foutoir, c'est l'incapacité des services de sécurité français face au terrorisme.

C'est aussi la perplexité de l'opinion devant les véritables buts de l'exécutif. Approuvés en cela par les deux tiers des élus PS et LR (avec la bénédiction du Conseil d'Etat et du Conseil constitutionnel), l'Elysée et Matignon présentent demain leur révision de l'article 36-1 de la Constitution. Elle tend à créer un « régime civil d'état de crise » unique en Europe : en vertu de quoi l'exécutif pourra se livrer à des retenues et perquisitions administratives sans autorisation judiciaire, à suspendre la circulation des personnes et des véhicules, etc. Ce sera « la routinisation de mesures dérogatoires au droit commun », constatent les juristes.

Qui contrôlera l'exécutif ?

Le parlement ? Mais cet « état de crise » permettra de balayer sous le tapis les vrais problèmes et d'étouffer les lanceurs d'alerte, surtout dans le domaine économique et social... Croit-on la classe politique capable de se priver d'une arme aussi séduisante ?

La gauche ? on la cherche désormais au microscope : il n'y a eu que trois élus PS et trois élus EELV pour voter contre la prolongation de l'inefficace état d'urgence. Aujourd'hui la gauche se serait contentée d'avoir obtenu la renonciation à déchoir quelques jihadistes de la nationalité française... Mesure  finalement maintenue, mais de toute façon sans intérêt.

La droite-de-droite ? Toute mesure autoritaire a sa faveur... Comme on disait en 1890, elle se satisfait du brouillard pourvu qu'on y entende battre un tambour.

Convergence gauche-droite, donc. A quoi cela fait-il penser ? A un autre élément de ce qui s'organise : le plan Valls-Macron-Raffarin & Cie pour un grand parti du centre à vocation mécaniquement majoritaire. Notre note du 19/12 et ses commentaires montrent que le prétexte de « barrer la route au FN » cache la même chose que le prétexte de l'état d'urgence « anti-terroriste » : le passage à la postdémocratie. Serons-nous gouvernés par la police et les algorithmes ?

 

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* Toute religion est suspecte selon la vision policière des choses. Comme me disait un flic du Midi à propos d'un monastère pourtant (et visiblement) catholique : « c'est quoi c'te secte ? »...

** Libération, 22/12.

 

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13:04 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : état d'urgence

Commentaires

FRÉMIR

> L'ensemble de cet article fait frémir.
Sa première note fait penser à ceci: l'inculture - en général et spécialement dans le domaine des religions - est un désastre, et chez les forces de l'ordre plus encore que dans le reste de la société. Combattre efficacement un terrorisme aux racines (partiellement) religieuses, cela suppose, entre autres, de la culture, du savoir, une dose d'humanités. Pour réussir ce que la langue anglaise appelle "intelligence", il faut la réalité de ce que le français désigne par le même mot.
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Écrit par : Jean-Marie Salamito / | 22/12/2015

Les commentaires sont fermés.